N.B. Boukary a 23 ans, il n'est pas notre enfant, c'est un filleul, un garçon que nous aidons du mieux que nous pouvons, pour lui nous sommes ses parents de France. Pour nous, notre fils c'est Samuel, notre fils unique, Boukary le sait, d'ailleurs il nous vouvoie de sa propre initiative pour faire la différence.

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L'enfant de Yendouma !
Du 12 au 27 Septembre 1999, nous partons pour la première fois à la découverte du Mali avec un groupe de Nouvelles Frontières, nous étions une douzaine de personnes avec l'accompagnateur. Nous arrivons à Bamako vers vingt trois heures, un chauffeur local nous attend à l'aéroport pour nous emmener à l'hôtel Dakan.
C'est dans un minibus d'un âge avancé que nous prenons la route le lendemain pour visiter le pays, Ségou, Djenné, Mopti….Puis Sangha la porte du pays Dogon, le point de départ de notre randonnée pédestre, un périple de plusieurs jours pour découvrir les villages au pied de la falaise de Bandiagara et le fier peuple Dogon aux coutumes mystérieuses. Bien sûr tout était prévu, les porteurs de sacs et de cantines nous précédaient jusqu'aux différents campements, la chaleur et le parcours accidenté suffisaient à notre peine.
Après Cogoli, Ibi, Koudou, nous arrivons au campement de Yendouma. C'était la fête, ça sentait bon, une table et des chaises de fortune étaient installées près d'un méchoui en préparation pour le dîner. Toute cette opulence de chair nous mettait mal à l'aise chez des indigènes dont même le plat de mil ou de sorgho n'est pas présent quotidiennement.
Nous étions entourés d'enfants à la frimousse mignonne, un jeune garçon vint vers nous deux puis d'une voix timide nous demandait un crayon et une gomme. Nous étions à la moitié du séjour au Mali, notre stock de stylos et autres crayons étaient malheureusement épuisé.
" Tu n'as pas de chance " lui dit-on, " nous n'avons plus rien, mais si tu inscris ton nom et ton adresse sur ce carnet nous te promettons de t'envoyer des fournitures dès notre retour ".
D'une main hésitante l'enfant inscrivait sur notre carnet de route ses coordonnées, il se prénommait Boukary.
Yendouma était la dernière étape dans le pays Dogon, le lendemain nous rejoignions le campement de Sangha pour y retrouver notre minibus qui allait nous conduire jusqu'à Hombori avant notre retour vers Bamako.
Chose promise , chose due, nous expédions à Boukary comme il nous l'avait demandés crayons, cahiers, gommes, cartable à l'école fondamentale de Diougodié Dolo près de Koro .
nous recevons une lettre du Mali, c'est Boukary qui nous écrit. Des mercis, il y en a plein sa lettre écrite sur une page de cahier scolaire, il nous promet de bien travailler en classe en pensant à nous.
Depuis notre correspondance n'a pas cessé.
Dans un premier temps par l'intermédiaire du directeur de l'école nous lui envoyons courrier, colis, aides financières et même un v.t.t. . Boukary nous écrit des lettres chaleureuses, émouvantes quelque fois pour nous dire que la vie n'est pas facile dans son pays ; les travaux dans les champs, les longs trajets de l'école au village, les criquets, la sécheresse disséminent les récoltes de mil et sa mère en mauvaise santé. Malgré tout cela, toujours la même détermination , arriver à de bons résultats en classe comme en témoignent ses bulletins de notes où les très bien se succèdent, trouver des livres pour apprendre mieux, toujours se classer parmi les premiers.
" Mes parents ne me donnent jamais d'argent, si je mange le repas c'est fini, même les habillements, je suis heureux avec ce que vous me donnez. Il y a trop de souffrance, les parents ne me permettent pas d'apprendre le matin moi j'apprends la nuit grâce à votre encouragement ."
Ces quelques mots de Boukary suffisent à nous faire comprendre la situation.
Boukary entre en onzième année( première en lycée français) à Bamako, le comportement du Dogon change, malgré son engouement pour les études de nouveaux besoins apparaissent : portable, tente, 500.000 FCFA pour ouvrir un kiosque à journaux. Nous lui demandons de poursuivre bien sagement ses études et d'avoir son bac !
Malgré deux mois de maladie Boukary obtient son bac avec mention, il nous demande de l'aide pour poursuivre ses études à l'Ecole Normale d'Administration et s'inscrit au centre culturel de Bamako. Encore une folie lui passe dans la tête, il veut venir en France chez nous pour nous aider car nous sommes vieux. Soit disant quelqu'un pouvait s'occuper du visa et lui payer l'avion, nous avons eu peur ! Nous lui écrivons pour l'en dissuader en lui expliquant que cela n'était pas sérieux mais plutôt une arnaque, qu'il devait rester dans son pays à étudier, qu'il pouvait compter sur nous pour financer ses études. Des recommandations sévères ont dû le faire réfléchir, ouf ! Il avait compris !
Boukary a un portable qu'il s'est offert en faisant des petits boulots le week-end, la communication est plus facile.
Les deux années à l'E.N.A. furent un succès, Boukary est un bon élément. En Mars de cette année il nous demande de financer une formation supplémentaire pendant 3 mois (relations humaines et gestion) suivie d'un stage en entreprise, il en sort avec un diplôme .
Boukary semble bien dans sa peau , il s'impatiente de nous revoir, nous lui promettons d'aller le voir à l'automne, nous nous rendons au Mali du 30 Septembre au 12 Octobre. Avant notre départ beaucoup de questions nous trottaient dans la tête. Nos aides ont-elles vraiment servies comme nous le pensions ? Il nous a peut-être embobiné par un montage avec des loubars ? Qu'attend-il de nous ? Est-ce vraiment lui que nous allons rencontrer ? Nous étions tombés dans la méfiance la plus extrême, nous avions prévu le pire pour notre protection si bien que nous organisons notre voyage en intégrant un circuit de Nouvelles Frontières à notre séjour.
A 20h30 nous arrivons pour la deuxième fois à Bamako, notre front brille de sueur, un coup d'œil à droite , un coup d'œil à gauche, nous essayons de trouver dans la foule de l'aéroport un regard qui nous cherche. Boukary devait nous reconnaître par la couleur de nos vêtements mais ceci n'a pas servi puisqu'il a reconnu Dominique par sa chevelure blonde. Nous venions de récupérer nos bagages quand Boukary a crié " papa ! maman ! vous voilà ! je vous attends à l'aéroport depuis 18 heures ", ébahis nous ne savons pas quoi dire, nous sommes figés devant un beau garçon accueillant , heureux de nous serrer dans ses bras, à cet instant nous étions rassurés. Il avait prévu un taxi pour nous emmener à l'hôtel Olympe. Boukary monte avec nous dans la chambre, autour d'une petite table nous faisons connaissance, notre jeune nous expose son travail aux études, ses projets. Encore 2 ans à l'école d'administration pour avoir le diplôme de la fonction publique. Vers 1 heure du matin il a fallu se séparer pour dormir, Boukary préférait aller se coucher avec les siens. Tous les deux dans la chambre nous avons culpabilisé, une culpabilisation affreuse, qu'on avait du mal à trouver le sommeil.
" Il est bien , il a dû souffrir " disait-on, " quelle maigreur ! "
Boukary s'impatiente de nous présenter à ses proches, particulièrement à sa tante " tanti " qui l'avait hébergé à son arrivée à Bamako. " Ce sont mes parents de France " dit-il partout où l'on passe. Pendant plusieurs jours nous avons des conversations enrichissantes, de sa part jamais de plainte, tout va bien. A notre grande surprise nous apprenons qu'il dort sur une natte dehors ou dans une dépendance de bureaux, un sac de toile sert à ranger ses quelques vêtements, ses livres et ses classeurs sont entassés dans des cartons , Boukary ne sait ce qu'est un lit ! Pour lui ce n'est pas un problème, ce qu'il veut c'est réussir ses études pour trouver un travail.
Nous organisons un moment fort de notre séjour, une journée à Yendouma dans le pays dogon, ce sera le samedi 6 Octobre durant notre circuit du 2 au 9 Octobre avec le groupe de Nouvelles Frontières. Boukary nous rejoint par ses propres moyens au campement de Sangha.
Nous quittons le groupe pour cette journée, Yendouma est à environ 2 heures de route, 25 Kms, le 4x4 est le seul type de véhicule capable de faire le trajet. Nous sentons le Dogon fébrile, il a hâte de retrouver les siens, voilà plus d'un an que Boukary n'a pas vu sa maman. Sur la route nous chargeons un sac de 50 Kgs de riz qui fera le bonheur de sa famille, un luxe pratiquement inaccessible pour eux. Nous nous rendons directement à la case maternelle, il n'y a personne, " elle est partie dans les champs " nous informent deux jeunes garçons. Boukary en profite pour nous présenter aux membres de sa famille, il fait chaud, le cheminement est difficile sur des sentiers escarpés et encombrés de rochers brûlants, il fait 45°C ! C'est en fin de matinée que Boukary retrouve sa maman sur un petit chemin entre deux rangs de mil. La mère pose sa bassine de fonio pour étreindre son fils, le moment est émouvant.
Avant notre retour vers Sangha nous faisons une brève halte au dispensaire de Yendouma pour y déposer quelques boîtes de paracétamol. Le responsable nous accueille chaleureusement et range ces médicaments inattendus dans une armoire à pharmacie désolément vide.
Boukary profite de nos dernières journées à Bamako pour s'inscrire à l'auto-école et s'ouvrir un compte-épargne. Notre malien est ravi, plein d'espoir et n'hésite pas à nous faire partager sa joie et sa force de vivre.
" Nous sommes venus pour une bonne cause " lui dit-on , " aujourd'hui c'est un au revoir, nous reviendrons tu le mérites ". Boukary nous prend dans ses bras en pleurant.
Voilà notre histoire (Octobre 2007).
Décembre 1999,...
Octobre 2003
A partir de ce moment là nous devenons plus réticents et interrogatifs sur ses besoins, les remerciements ne suivent plus. Famille et amis ne nous encouragent pas " il vous plume ", " il vous soutire de l'argent ", " un jour il arrivera chez vous avec une smala " entend-t-on autour de nous, notre conscience nous disait qu'il ne fallait pas l'abandonner.
Nous nous installons sous un appentis de fortune, à l'abri du soleil, pour faire plus amples connaissances. Un vieil oncle et une petite fille de 5 ans environ qui vivent avec la mère nous ont rejoint . Boukary nous explique que la fillette fait partie de la famille, elle a été placée chez les vieux pour les aider dans les tâches quotidiennes. Sa mère semble perturbée par l'événement, nous découvrons une femme d'une cinquantaine d'années marquée par la souffrance et la maladie, elle paraît beaucoup plus âgée. La communication n'est pas facile, Boukary fait l'interprète, la conversation reste limitée mais son regard et la très forte poignée de mains que nous échangeons nous transmettent toute sa gratitude.
Dernier jour, nous sommes à l'aéroport, l'heure du départ approche, Boukary n'a plus le même sourire.
En 2007, nous lui avions fait la promesse de revenir, nous avons tenu notre engagement, notre histoire n'est sans doute pas terminée.

Et maintenant.... Dominique et Jean-Pierre nous racontent la suite de cette belle rencontre...

En février 2008, Boukary prend une chambre, il ne peut plus vivre en communauté, il veut étudier le soir dans le silence pour améliorer son savoir.
Depuis…
En janvier 2009, nous retournons au Mali rendre visite à Boukary, surtout pour faire le point sur son avenir. Sa chambre est bien rangée, un lit fait au carré, une carte du monde tapisse un mur et beaucoup de livres empilés.
Depuis cette date, nous communiquons par internet, parfois les messages sont agréables à lire, parfois ils sont tristes, on sent l'étudiant qui a peur de nous perdre et gêné d'être à notre charge. Depuis quelques temps nous sentons bien qu'il veut être indépendant. Mais va-t-il trouver un travail après sa soutenance en droit dans les affaires…?
Mai 2010, Boukary atteint son objectif, suite à son invitation, nous nous rendons au Mali le 04 Mai.
Notre jeune doit présenter son mémoire le samedi 08 Mai.
Nous profitons de ces quelques jours pour effectuer certains préparatifs.
Jour J, nous rejoignons Boukary et ses amis invités à la faculté, nous sommes costumés, il fait chaud ! 45°C ! Il est 10 heures.
Après 2 heures d'un interrogatoire très intense, Boukary obtient sa " Maîtrise en droit des affaires publiques et privées " avec 16,5/20, mention " très bien " et les félicitations du jury.
Avec ses invités, nous agrémentons ce moment de bonheur avec des boissons rafraîchissantes et des biscuits.
C'est la fête !
Dimanche 09 Mai, nous faisons les boutiques de vêtements, c'est le dernier jour disponible pour Boukary, en effet, notre jeune entre dans le monde du travail dès le lendemain !
Lundi 10 Mai à 07 heures30, Boukary commence un stage de trois mois dans un cabinet d'assurances à Bamako.
Novembre 2010, Boukary s'est bien intégré dans son travail.
Ses projets : avoir un salaire convenable pour fonder une famille…
Aider un enfant, ce n'est pas seulement lui donner de l'argent, mais lui apporter une chaleur humaine par la présence de ses parrains à ses côtés, c'est une certitude.
Dominique et Jean-Pierre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dominique et Jean-Pierre.